Experte en conseils conjugaux mais aussi  en prise en charge des troubles de stress post-traumatiques, Violaine-Patricia Galbert s’est entretenue avec Londres Mag avant sa conférence autour de son dernier livre « Vivre avec une victime d’attentat, le traumatisme des proches »

Son expérience de conseillère conjugale et familiale est indiscutable dans la communauté française londonienne. Violaine- Patricia Galbert est également spécialiste des Troubles de Stress Post-Traumatiques Avant sa conférence autour de son ouvrage « Vivre avec une victime d’attentat, le traumatisme des proches » aux éditions Odile Jacob, la thérapeute partage son expérience et ses souvenirs autour de la prise en charge des témoins des attaques meurtrières notamment de Westminster Bridge.

Londres Mag : Comment décide-t-on de créer des groupes de paroles sur les traumatismes post-attentats ?

Violaine- Patricia Galbert : Cela part de mon histoire personnelle, j’ai été victime de stress traumatiques, plusieurs fois, à la suite de la perte de mon grand-oncle et de ma grand-tante à 8 ans, ensuite j’ai accompagné ma mère qui souffrait d’un cancer du sein. Donc j’ai su aider quelqu’un qui vivait dans la souffrance, et puis moi-même j’ai été une rescapée du tsunami, et c’est ce qui m’a conduite à m’intéresser à ce post traumatisme. A la suite des attentats que j’ai gérés à Paris, Nice et ensuite ici, pour Westminster et London Bridge, je me suis rendue compte que dans la littérature il n’existait absolument rien concernant les traumatismes des proches traumatisés lors de l’annonce, de l’attente, puis de la prise en charge de leurs amis, parents blessés psychiquement ou physiquement. Psychiquement, c’est difficilement appréhendable car la personne donne l’impression d’être en bonne santé, mais elle est blessée, détruite, elle n’est plus capable de vivre normalement, et sur le long terme ce sont des victimes qui vont garder à vie des séquelles. Leurs comportements vont être modifiés, par exemple, un enfant ne peut plus sortir dans la rue et dans la foule et bien vous n’allez plus pouvoir l’emmener faire des courses ou s’il est handicapé physique vous devenez un aidant. Dans l’attentat c’est l’état qui est attaqué mais ce sont les êtres humains qui sont meurtris. L’état les indemnise avec le fonds de garantie accordé à  tous les Français touchés. La dernière étape concerne le procès avec l’identification des auteurs. Quand il y a viol, le violeur peut être trouvé et arrêté. Là, les familles ne savent rien et doivent faire face au secret défense c’est à dire que l’Etat étant visé, certains renseignements doivent rester secrets pour ne pas mettre en danger le pays. Donc c’est pour ça que j’ai écrit ce livre spécifiquement sur les attentats, mais il s’adresse à toutes les proches de victimes d’événements graves et qui ont vu la mort en face.

LM : Pouvez-nous expliquer comment la Cellule de Soutien Psychologique d’Urgence (CSPU) s’est-elle mise en place ?

Violaine- Patricia Galbert : La cellule de soutien psychologique que j’ai créée maintenant en mai, est une cellule qui est formée de professionnels de la gestion d’urgence avec des médecins, psychiatres, psychologues, conseillères conjugales et familiales. Donc j’ai organisé une formation puisque nous n’intervenons pas directement sur les lieux de l’attentat, les autorités anglaises étant  sur place. En revanche une fois que le consulat est prévenu que des Français sont touchés il nous demande d’intervenir. Nous nous préparons en amont avec des techniques précises comme le defusing, qui permet à la personne de retrouver ses esprits et d’être rassurée ou le debriefing pour écouter le récit que la victime veut bien faire de son vécu.

LM : Et que se passe-t-il si une personne refuse de venir à la cellule psychologique ?

Violaine- Patricia Galbert : C’est sur la base de volontariat, c’est recommandé pour la victime psychique parce qu’en général, elle rentre chez elle en pensant que tout va bien aller alors qu’au final elle enchaîne les cauchemars. C’est comme si elle avait eu un choc au cerveau, du sang qui coule mais qui ne se voit pas. Le trouble intervient au bout de 1 à 3 mois et éventuellement et jusqu’à la fin de la vie. C’est normal d’être choqué, maintenant si vous ne dormez pas, avez des flashbacks pendant plus de 3 mois alors là cela devient un trouble de stress post traumatique qui vous empêche de vivre une vie normale.

LM : Comment lutter contre cela ?

Violaine- Patricia Galbert : Alors la première chose c’est la prévention, il est conseillé de venir auprès de professionnels de soins psychologiques pour parler de ce qui est arrivé.  Plus on attend, plus l’état s’aggrave. Se faire enregistrer est important aussi  si vous voulez bénéficier du fonds de garantie qui indemnise les blessures psychiques.

LM : Aux attentats de Westminster, vous vous êtes occupée de jeunes adolescents. En quoi la démarche est-elle différente d’avec les adultes ?

Violaine- Patricia Galbert : Ce qui était dramatique c’est qu’ils étaient en deux groupes. Le premier groupe a passé le pont sans encombre et attendait les autres dans les jardins de Buckingham. Le second a été touché par cette voiture et pris directement en charge par la Metropolitain Police. Je me suis occupée du premier groupe dès qu’il est rentré à l’auberge de jeunesse. Les jeunes n’avaient pas de nouvelles de leurs copains, mais ils étaient tous branchés sur leur portable. Ils entendaient un tas d’infos qui les concernaient mais qui étaient fausses. Nous avons fermé les rideaux pour éviter les photos des journalistes et en fin de soirée nous avons  commencé à « débriefer ».  Certains se sentaient très coupables parce qu’ils avaient changé de groupe au dernier moment ils auraient dû être avec le groupe touché. Certains me disaient: ” Madame j’ai un journaliste au téléphone, je fais quoi ?”  Cela n’arrange rien car l’intrusion des médias est horrible. Tant qu’il n’y pas eu de confirmation du consulat sur l’état des blessés, l’anxiété régnait. J’ai eu à gérer la peur. La démarche avec les enfants est différente d’avec les adultes car bien souvent c’est leur première confrontation avec la mort: il faut donc leur expliquer, les rassurer.

LM : Comment appréhender la gravité d’une blessure psychique chez une victime ou chez un proche d’une victime ?

Violaine- Patricia Galbert : Très bonne question ! La première chose à faire sur place lors d’une intervention c’est de procéder à un tri, comme le SAMU, entre blessés graves et légers. Quand il y a évocation de suicide, c’est une urgence gravissime pour nous avec intervention rapide d’un psychiatre. D’autres individus vont demander de l’aide immédiatement car ils n’arrivent pas à dormir pendant 24h, hurlent pendant la journée, se bagarrent et il faut les hospitaliser vite car ils ont perdu le contrôle de leur comportement. Les personnes blessées psychiquement, dans quel état sont-elles ? Tout d’abord hébétées, puis ensuite elles changent brusquement d’humeur passant de la colère à la dépression, sont incapables de sortir de chez elles sans panique et à long terme cela peut devenir un véritable handicap. Le regard des autres, en plus, n’est pas tendre…

LM : Comment une victime d’attentat ou un proche de victime peut vivre cela au quotidien ? 

Violaine- Patricia Galbert : La première chose, c’est l’euphorie, car elle n’est pas morte, ensuite il y a une certaine attente, car elle est blessée, mais il y a l’espoir de la rémission. Blessés mais pas malades, c’est important de le dire ! Et puis, comme dans tout accident il y a un moment qui s’appelle « la consolidation » avec la conscience de ses limites :  toute votre vie vous boiterez, toute votre vie vous aurez du mal à aller dans des endroits fermés. Le blessé psychique a vu la mort de prés et devient assez intransigeant. Les proches en pâtissent aussi  car ils  les aident et au final se font rejeter. Donc c’est un livre pour les aider, pour leur dire : vous avez besoin vous aussi  d’aller consulter, d’être pris en charge, même peut être de suivre un traitement. Le traumatisme des proches c’est à vie, parce que à  un moment donné il va falloir vivre avec les cicatrices et le handicap physique et psychique, ce dernier étant peu reconnu. Depuis 2012 la France a subi 26 attentats qui ont fait 271 morts et 870 blessés.

JA, CD & SL